La situation des forêts du monde 2018 (SOFO 2018)

La situation des forêts du monde 2018 (SOFO 2018)

Pour télécharger le rapport complet: http://www.fao.org/3/I9535FR/i9535fr.pdf

Dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030, les pays s’engagent à se saisir des défis complexes d’aujourd’hui: éliminer la faim et la pauvreté, faire face au changement climatique, améliorer la résilience des communautés, favoriser une croissance inclusive et gérer de manière durable les ressources naturelles de la planète. Les 17 objectifs de développement durable (ODD), les 169 cibles et les 230 indicateurs de ce programme définissent précisément ce que les pays doivent obtenir dans un délai donné, et un suivi régulier des réalisations permet de mesurer les progrès accomplis. D’une portée universelle, ils invitent à adopter des approches globales et participatives, pour réunir toutes les parties prenantes et veiller à ce que «personne ne soit laissé pour compte».

“Nous sommes aujourd’hui mieux informés sur l’importance critique que revêtent les forêts au regard des moyens de subsistance et sur les arbitrages à opérer, et nous pouvons apprécier de manière plus précise à quel point des forêts productives et en bonne santé sont fondamentales pour la durabilité de l’agriculture.”
José Graziano da Silva, Directeur général de la FAO

À l’heure où les États cherchent comment utiliser au mieux les initiatives nationales pour obtenir un changement transformationnel, La situation des forêts du monde 2018 (SOFO 2018) analyse le rôle que les forêts et les arbres – et les personnes qui les utilisent et les gèrent – peuvent jouer dans cette démarche et comment ils peuvent aider les pays à atteindre leurs objectifs et à construire un avenir meilleur. Cette nouvelle édition met en lumière les liens profonds et réciproques qui existent entre les forêts et de nombreux objectifs et cibles du Programme 2030, permettant aux responsables de l’élaboration des politiques d’équilibrer plus justement les mesures, les investissements et les partenariats en faveur de la sécurité alimentaire, de la réduction de la pauvreté et de la conservation de l’environnement, pour, au final, définir des voies de développement durable.

Les forêts et les arbres apportent des contributions vitales à la fois aux populations et à la planète, en renforçant les moyens d’existence, en purifiant l’air et l’eau, en préservant la biodiversité et en offrant des solutions pour faire face au changement climatique.

Les forêts sont une source de nourriture, de remèdes et de combustible pour plus d’un milliard de personnes. Outre qu’elles concourent aux mesures prises face au changement climatique ainsi qu’à la protection des sols et des ressources en eau, les forêts abritent plus des trois quarts de la biodiversité terrestre, fournissent de nombreux produits et services qui contribuent au développement socioéconomique, et revêtent une importance particulière pour des centaines de millions de personnes qui vivent en milieu rural, et notamment bon nombre des plus pauvres dans le monde.

Environ 50% des fruits que nous mangeons proviennent des arbres.

Cependant, la population mondiale devrait passer de quelque 7,6 milliards d’individus aujourd’hui à près de 10 milliards à l’horizon 2050. La demande alimentaire mondiale correspondante – dont la croissance est estimée à 50 pour cent sur cette période – exerce une pression énorme sur les modes d’utilisation des terres productives, en particulier dans les pays en développement où se concentrent l’immense majorité des 800 millions de personnes qui souffrent de la faim et de la pauvreté dans le monde. Le déboisement, essentiellement pratiqué aux fins de conversion des terres forestières en zones de cultures et d’élevage, menace non seulement les moyens d’existence des forestiers, des communautés forestières et des peuples autochtones, mais aussi la diversité de la vie sur notre planète. Les changements d’affectation des terres entraînent la perte d’habitats précieux, une dégradation des terres, une érosion des sols, une diminution des réserves d’eau potable et l’émission de carbone dans l’atmosphère.

Déterminer la manière dont on peut augmenter la production agricole et améliorer la sécurité alimentaire sans réduire la superficie forestière constitue l’un des plus grands défis de notre temps.

Pour permettre à la forêt d’apporter des solutions de développement durable, il est essentiel de disposer d’éléments probants.

L’importance des forêts et des arbres pour la santé et la prospérité de notre planète est universellement reconnue, mais elle pourrait être bien plus profondément enracinée qu’on ne l’imaginait. Approuvés par la Commission de statistique de l’ONU en mars 2016, les 230 indicateurs du Programme 2030 ont été conçus pour aider les pays à mesurer les progrès accomplis dans la réalisation de leurs objectifs, tout en leur permettant de tirer des enseignements de leurs expériences et de déterminer les domaines prioritaires auxquels allouer des ressources. Plusieurs indicateurs de l’ODD15 portent sur les forêts, en particulier sur le suivi de la superficie boisée et de la proportion de forêts gérées durablement. L’Évaluation des ressources forestières mondiales, qui est coordonnée par la FAO, a permis de déterminer que la superficie forestière était passée de 31,6 pour cent à 30,6 pour cent des terres émergées entre 1990 et 2015, mais que le rythme des pertes s’était ralenti ces dernières années.

Certains éléments quantitatifs indiquent que les forêts sont gérées de manière plus durable et que les forêts et les arbres contribuent à la réalisation des ODD portant sur les moyens d’existence et la sécurité alimentaire de nombreux ruraux pauvres, sur l’accès à une énergie abordable, sur la croissance économique durable et l’emploi (dans le secteur structuré), sur la consommation et la production durables, et sur l’atténuation du changement climatique, ainsi que sur la gestion durable des forêts.

Les moyens d’existence et la sécurité alimentaire d’environ 250 millions des ruraux en situation d’extrême pauvreté dépendent de la vitalité des forêts et des arbres.

Les plus défavorisés vivent souvent dans les forêts et alentour.

Les moyens d’existence et la sécurité alimentaire de nombreux ruraux pauvres dans le monde dépendent de la vitalité des forêts et des arbres. Les éléments dont on dispose indiquent que 40 pour cent environ des ruraux en situation d’extrême pauvreté – soit quelque 250 millions de personnes – vivent dans des zones de forêt ou de savane. L’accès aux produits et aux biens et services forestiers est un élément fondamental des moyens d’existence et de la résilience des ménages les plus pauvres, car il joue le rôle de filet de sécurité dans les temps difficiles. Certaines études indiquent que les forêts et les arbres pourraient représenter 20 pour cent environ du revenu des ménages ruraux dans les pays en développement (en leur procurant un revenu monétaire ou en leur permettant de satisfaire des besoins de base). On estime que les produits forestiers non ligneux (PFNL) apportent des aliments, un revenu et une diversité nutritionnelle à une personne sur cinq dans le monde, notamment aux femmes, aux enfants, aux paysans sans terre et à d’autres personnes en situation de vulnérabilité.

La qualité de l’eau, essentielle à la santé et à la vie des populations rurales comme urbaines, est directement liée à la gestion des forêts.

Les changements dans la couverture, l’utilisation et la gestion des sols ont de graves conséquences sur l’approvisionnement en eau des pays. Les trois quarts de l’eau douce de la planète proviennent de bassins-versants boisés, or les travaux de recherche montrent que 40 pour cent des 230 principaux bassins-versants du monde ont perdu plus de la moitié de leur couvert forestier d’origine. Cela étant, la superficie forestière gérée dans un but de conservation des eaux et des sols a augmenté à l’échelle mondiale ces 25 dernières années et, en 2015, un quart des forêts était géré à l’une de ces fins au moins..

Les forêts sont notre source d’eau. Elles approvisionnent en eau potable plus d’un tiers des plus grandes villes du monde.

Évolution de la gestion des forêts aux fins de protection des eaux et des sols, par type de forêt

Environ un tiers de la population mondiale, soit 2,4 milliards de personnes, utilise du bois pour ses besoins énergétiques de base : cuisiner, faire bouillir de l’eau, se chauffer.

La modernisation du secteur traditionnel de la dendroénergie pourrait améliorer les moyens d’existence, créer des filières pérennes et libérer des ressources à investir dans la gestion durable des forêts.

Rien peut-être n’illustre mieux le potentiel des forêts que le fait que le bois coupé repousse. Environ un tiers de la population mondiale, soit quelque 2,4 milliards de personnes, utilise du bois pour ses besoins énergétiques de base (cuisiner, faire bouillir l’eau, se chauffer, etc.). Globalement, les forêts fournissent quelque 40 pour cent de l’énergie renouvelable mondiale sous la forme de combustible ligneux – autant que les énergies solaire, hydroélectrique et éolienne combinées. Il faut maintenant mettre l’accent sur une production de combustible ligneux plus durable, pour limiter la dégradation des forêts, et plus propre et efficiente, pour améliorer la santé de millions de personnes, en particulier des femmes et des enfants.

De la lutte contre la pauvreté et la faim à la préservation de la biodiversité, en passant par l’atténuation du changement climatique, les impacts positifs des forêts et des arbres sont fondamentaux à notre existence.

Les mesures prises à l’échelle mondiale face au changement climatique – qu’il s’agisse d’adaptation, d’atténuation ou de résilience – doivent être davantage axées sur les forêts.

Comme le souligne l’Accord de Paris sur le Climat conclu en 2015, les forêts et les arbres jouent un rôle déterminant dans l’accumulation de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère. Agissant comme des puits de carbone, ils absorbent l’équivalent de quelque 2 milliards de tonnes de dioxyde de carbone chaque année. Cependant, le déboisement est la deuxième cause du changement climatique après l’utilisation de combustibles fossiles et représente près de 20 pour cent de l’ensemble des émissions de GES – plus que le secteur mondial du transport. Une gestion efficace des forêts peut renforcer la résilience et les capacités d’adaptation aux catastrophes naturelles liées au climat, d’où l’importance d’intégrer des mesures de cet ordre dans les stratégies nationales de réduction des risques de catastrophe. La réduction des émissions causées par le déboisement et la dégradation des forêts, et le rôle de la conservation, de la gestion durable des forêts et du renforcement des stocks de carbone forestier (REDD+) seront essentiels à l’action mondiale contre le changement climatique. Les 25 pays disposant des couverts forestiers les plus importants ont tous incorporé des initiatives d’atténuation liées aux forêts (diminution du déboisement et de la dégradation des forêts, boisement, renforcement des stocks de carbone forestier, conservation et agroforesterie) dans leurs mesures d’atténuation adaptées au pays (MAAP) et leurs contributions déterminées au niveau national (CDN).

Agissant comme des puits de carbone, les forêts absorbent l’équivalent de quelque 2 milliards de tonnes de dioxyde de carbone chaque année.

Des éléments probants qualitatifs montrent que les forêts et les arbres apportent aussi d’importantes contributions aux ODD par l’intermédiaire du secteur informel, de l’agroforesterie, des possibilités d’autonomisation des femmes, de la gestion durable des ressources hydriques, du tourisme, des villes durables, de l’adaptation au changement climatique, et de la lutte contre la dégradation des terres et la perte de biodiversité.

Le tourisme de nature, par exemple, croît trois fois plus rapidement que le secteur touristique dans son ensemble, et représente désormais 20 pour cent environ du marché mondial. L’intégration d’espaces verts et arborés dans l’aménagement urbain est également de plus en plus courante, et des études montrent que cette évolution est corrélée à une réduction de l’obésité et à une baisse de la criminalité, bien qu’il reste difficile de mesurer et d’évaluer ce type d’avantages. Compte tenu de l’urbanisation croissante et du changement climatique, la conception, la planification et la gestion des espaces verts urbains, notamment les forêts et les arbres, devraient être intégrées dans l’aménagement des villes dès les premiers stades. Le rôle des forêts et des arbres devrait être pris en compte dans les politiques d’atténuation du changement climatique et d’adaptation à ses effets.

En général, les enfants sont plus actifs quand ils ont accès à des espaces verts. Le taux d’obésité des enfants qui vivent dans des zones où ils y ont accès est de 11 à 19% plus bas que celui des enfants vivant dans des zones où l’accès aux espaces verts est limité ou absent.

Pour réaliser les ODD, il est essentiel de lier les questions agricoles et forestières dans l’élaboration des politiques nationales de développement.

L’agriculture durable a besoin de forêts saines et productives. Les forêts et les arbres soutiennent la durabilité de l’agriculture en stabilisant les sols et le climat, en régulant les flux hydrologiques, en donnant de l’ombre ou un abri et en offrant un habitat aux pollinisateurs et aux prédateurs naturels des organismes nuisibles agricoles, entre autres exemples. Intégrés dans les paysages agricoles, les forêts et les arbres peuvent améliorer la productivité agricole. Ils contribuent aussi à la sécurité alimentaire de centaines de millions de personnes, pour lesquelles ils constituent d’importantes sources de nourriture, d’énergie et de revenu pendant les périodes difficiles.

Le renforcement de cadres juridiques reconnaissant et garantissant aux communautés locales et aux petits exploitants des droits d’accès aux forêts et aux arbres contribuera considérablement aux grands objectifs d’élimination de la pauvreté et de durabilité poursuivis à l’échelle mondiale.

Au total, 1,5 milliard de personnes appartenant à des populations locales et autochtones disposent de droits sur les ressources forestières garantis dans le cadre de régimes fonciers communautaires. Il y a de grands avantages à donner aux populations locales dépositaires de savoirs traditionnels la possibilité d’infléchir les décisions prises dans le sens d’une concrétisation des cibles des ODD. Lorsqu’elles disposent de droits clairs et garantis, les personnes sont davantage susceptibles d’adopter une approche à long terme de la gestion forestière, car elles savent qu’elles, ou leurs descendants, en tireront avantage. Le chapitre 3 met en lumière la longue expérience acquise au Népal en matière de gestion communautaire des forêts, approche qui a été adoptée par de nombreux autres pays, notamment en Asie et en Amérique latine. Dans les endroits où la précarité des régimes fonciers pose un problème critique, des cadres tels que les Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale contribuent à donner une certaine sécurité. À l’avenir, il faudra tirer les enseignements des expériences positives en matière de gestion communautaire des forêts, prendre conscience de l’importance de l’appui scientifique et technique, de la formation, du renforcement des capacités et de l’accès aux marchés, aux informations sur les marchés et à des ressources financières adéquates, ainsi que de la nécessité de définir clairement les droits et les responsabilités des différentes parties. L’ensemble de ces mesures devront être mises en place si l’on veut pouvoir renforcer les solutions de développement durable qu’apportent les forêts.

L’accès à la terre, aux ressources et aux investissements dans les forêts et dans les activités connexes peut faire des femmes, des jeunes et des entrepreneurs ruraux des agents de la transformation qui conduit à un monde durable

Le renforcement des droits fonciers offre l’occasion d’améliorer l’équité d’accès des hommes et des femmes aux forêts et aux arbres, et permet d’encourager une approche durable, à long terme, de la gestion forestière. Les études mettent en évidence l’importance des femmes entrepreneuses, notamment dans le secteur informel, ainsi que leur rôle moteur dans la gestion communautaire et participative des forêts. L’esprit d’initiative et l’énergie des jeunes sont tout aussi essentiels pour l’avenir du secteur. En misant sur la formation, le renforcement des capacités et le développement des organisations de producteurs, on pourra aider les jeunes à voir qu’ils peuvent vivre de la forêt et les persuader ainsi de résister à l’appel d’une migration aléatoire. L’investissement dans le secteur non structuré – par une augmentation de l’activité économique, une amélioration des conditions d’emploi et une incitation à adopter une approche plus durable de la gestion forestière – peut produire des effets favorables qui se propageront des forêts aux exploitations agricoles, puis aux villes et aux grandes agglomérations. Offrir aux petits exploitants et aux communautés des incitations économiques à gérer les arbres des terres forestières devrait s’avérer bénéfique.

Un environnement porteur est essentiel pour attirer le secteur privé vers des activités qui promeuvent la durabilité.

Les secteurs forestiers structuré et non structuré comprennent de nombreuses microentreprises et petites entreprises, qui côtoient quelques très grandes sociétés. À petite échelle, les priorités sont souvent de proposer des formations visant à améliorer les pratiques de gestion des terres, de promouvoir l’agroforesterie, de développer les organisations de producteurs, de faciliter l’accès aux marchés et de mettre à disposition des mécanismes financiers adaptés. À plus grande échelle, il peut être nécessaire de s’attaquer aux obstacles potentiels à l’investissement, qui sont souvent d’ordre financier ou liés aux infrastructures. Les interventions des pouvoirs publics associeront probablement des approches réglementaires et des incitations à démarrer des activités qui ne relèvent pas nécessairement du marché, telles que les services écosystémiques et la gestion durable des forêts. Parallèlement, il sera important de s’attaquer aux obstacles potentiels à l’investissement et d’éliminer les incitations au déboisement. Les partenariats avec le secteur privé seront déterminants pour élaborer des initiatives de gouvernance privée, telles que les systèmes de certification volontaire et les engagements en faveur de filières «zéro déboisement».

Pour réaliser l’ambition affichée de longue date d’éliminer la faim et la pauvreté et de bâtir un monde durable, le Programme 2030 appelle les ministères sectoriels à changer de méthode de travail et à coordonner leurs politiques respectives à l’échelle nationale.

Si l’on veut parvenir à un développement durable, il faudra synchroniser les mesures portant sur les forêts, l’agriculture, l’alimentation, l’utilisation des terres, le développement rural et le développement national. Les facteurs déterminants varient considérablement selon les pays et les régions, mais les décideurs publics doivent reconnaître la nécessité de réaliser des arbitrages, et prendre des mesures concrètes pour mieux harmoniser les différents objectifs et les diverses structures d’incitation. Cette approche intégrée est indispensable pour progresser dans la réalisation des cibles des ODD. La création de plateformes de mise en œuvre des ODD réunissant les principaux secteurs qui utilisent et gèrent les ressources naturelles est l’un des moyens de parvenir à une coordination intersectorielle et de surmonter les difficultés rencontrées par les gouvernements dont les ministères et organismes sont organisés par secteur et disposent de leurs propres ressources et systèmes de responsabilités. Ces plateformes permettraient aux différents ministères et organismes publics et aux autres parties prenantes clés de se concerter et de coordonner leurs actions, en s’attachant à réaliser les ODD et à tirer parti des liens réciproques, à recenser et à lever les obstacles au changement et à suivre les progrès accomplis.